Shavouot et la structure du temps

"Etude sur le calcul et les cycles et la relation entre les structures mathématiques et les vérités de l'existence"

Une des caractéristiques de rabbi Meir Baal Hanes, selon le Talmud dans Erouvin, est, que lorsqu'il donnait un cours de Torah personne ne comprenait vraiment quelle était sa conclusion.

Nous allons surement suivre son exemple pour ce cours tout a fait spécial qui va parler de calcul et de compte.

La question abordée sera la suivante.

"si pour la Torah le temps est cyclique, comment comprendre qu'il y a une finalité au temps? si on peut calculer une relation entre les différents moments d'un cycle cela implique qu'il y a un moment zéro a partir duquel on peut compter le cycle, or si c'est le cas le cycle devrait revenir a zéro, et pourtant ce n'est pas le cas. Comment est ce possible?"

On peut poser la même question sur la psychanalyse structuraliste de Lacan, si l'inconscient est structuré comme un langage, c'est a dire qu'il est régi par un système relationnel d'opposition qui inter réagissent a travers une structure établie, comment peut-on dire que l'inconscient ne revient pas a son point de départ?

Nous allons chercher a envisager une réponse a ces problèmes tout a fait abstraits.

 

1- La répétition immuable d’un cycle ne contredit pas le déroulement linéaire de l’histoire.

La Torah nous demande de compter les jours et les semaines qui séparent la fête de Pessa'h de la fête chavouot. Il y a lieu de s’interroger sur le sens de cette mitsva. En quoi le fait de compter les jours peut il avoir un sens, pourquoi est il important de décomposer la période de 49 jours en sept semaines pleines?

On peut envisager le temps de deux manières opposées. Soit on peut considérer le temps comme cyclique, comme une sorte d’éternel retour. Le temps serait à l’image d’une montre à aiguilles dont la rotation se répète a l’infini. Soit on peut considérer le temps comme une durée qui s’écoule, comme les chiffres qui défilent sur une montre a affichage digital. Ces deux conceptions du temps sont angoissantes, la première semble confronter l’homme à l’absurdité de la répétition infinie, où rien ne se renouvelle, comme dit l’ecclésiaste « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil ». Alors que la deuxième manière met l’homme devant l’évidence de l’écoulement et de la perte du temps, où les instants défilent pour ne jamais revenir. Lorsque on compte le Omer on associe ces deux sensations dans un seul mouvement d’une part on identifie des cycles, les semaines qui se répètent, et d’un autre coté, en comptant ces cycles et en comptant les jours on prend conscience de la linéarité du temps, qui s’écoule pour ne pas revenir. La logique voudrait que le temps soit un flux continu uniforme qui s’écoule. Les cycles des jours et des nuits, et les saisons ne devraient être que des repères qui permettent à l’homme de se repérer dans le temps. Logiquement en aucun cas le cycle ne serait lui-même l’essence du temps.

Pourtant, la Torah pense que le temps est cyclique dans son essence, ce postula est nécessaire pour expliquer la sainteté des fêtes. Selon la Torah, la fête de Pessa'h ce n’est pas un jour où l’on commémore la sortie d’Egypte, c’est le jour même où nous sommes sortis d’Egypte qui se réactualise dans le présent.

Pour la Torah le temps est essentiellement cyclique, il ne s’écoule pas il ne fait que revenir sur lui même. Le judaïsme ne considère pas le cycle des saisons ou des jours comme des repères dans le temps, mais comme l’essence même du temps. La tradition juive considère que le temps du lever du soleil se différentie essentiellement du temps du coucher du soleil.

Les événements cosmiques ne sont pas que des repères, ils sont l’essence du temps. C’est pour cela que certaines mitsvoth dépendent du temps. A souccot, on commémore la sortie d’Egypte en s’asseyant dans des cabanes, alors qu’à Pessa'h on le fait en mangeant de la matsa, si on a mangé de la matsa à souccot et que l’on fait une cabane à Pessa'h, on n’a accomplie aucune mitsva, même si dans les deux cas on commémore la sortie d’Egypte.

Sept étant toujours le chiffre du cycle dans la Torah, (après sept, on revient a zéro, il y a les sept jours de la semaine, les sept années de la chemita, et les sept chemitot qui aboutissent au jubilée.), il semble que la mitsva de compter le Omer en décomposant la période qui sépare Pessa'h de chavouot en sept cycle de sept jours a pour but d’introduire la notion de cycle circulaire dans le temps chez l’homme. Cette conception cyclique du temps est une condition nécessaire pour recevoir la Torah. Tout raisonnement logique présuppose que le temps se répète. Hume à montrer que l’on ne peut pas démontrer par la logique qu’une expérience qui s’est déjà produite dans le passé, va se reproduire dans le futur. Si je laisse tomber un caillou sur le sol une fois, et que par la suite je veux refaire l’expérience, rien ne m’oblige à penser que le caillou va tomber par terre de nouveau, peut être que le caillou va voler. Pourtant tout le monde présuppose que si on refait l’expérience une deuxième fois on obtiendra le même résultat. Le préjugé de la répétition du temps est la base de tout raisonnement logique. Il est donc normal de penser que les juifs devaient reconnaitre la circularité du temps avant de pouvoir recevoir la Torah et de l’interpréter.

Or, lorsque l’on envisage un cycle, on envisage du même coup une relation nécessaire entre les éléments de ce cycle. Durant l’année il n’est pas possible que chavouoth arrive avant Pessa'h, il y a un ordre dans le cycle de l’année, non seulement il y a un ordre, mais les relations entres les éléments de cet ordre sont toujours immuables. Entre Pessa'h et chavouot il y a 49 jours jamais plus et jamais moins. La relation entre Pessa'h et chavouot est toujours la même. Il en va de même dans la relation entre souccot et Roch Hachana, et entre n’importe quel point pris au hasard dans le cycle de l’année et un autre point de ce cycle. Entre le jour « 26 » du Omer et le jour « 34 » il y a toujours le même écart.

Cette conception cyclique du temps est a priori très difficilement conciliable avec la foi dans la venue du Messie. Il est difficile de penser que le temps se répète et que pourtant il y a une finalité dans l’histoire. Comment comprendre que bien que le temps soit essentiellement cyclique et répétitif il doit nécessairement faire advenir quelque chose de nouveau ?

De plus, le fait de prendre conscience de la répétition cyclique du temps, parait être une entrave à la volonté de progrès et de développent chez l’homme. Si on pense que le temps se répète infiniment indépendamment de l’homme, qu’est ce qui peut motiver l’individu à agir ou à progresser?

La suite se fera par un cours vidéo à Shavouot 2023 par le Rav.