YOM HAKIPOURIM LE JOUR DES EXPIATIONS

YOM HAKIPOURIM

LE JOUR DES EXPIATIONS

 

Une des plus célèbres fêtes du judaïsme est certainement celle dont on traduit trop rapidement le nom par Grand Pardon: Yom Kipour. Yom Kipour se traduit parfois par jour de l’expiation. Mais en français un homme qui expie ses fautes, c’est un homme qui « paie » pour ses fautes.

 

Comme si la souffrance infligée allait réparer la faute. Or, la racine KPR רפכ veut dire littéralement recouvrir. Sous certaines conditions, Dieu recouvrirait nos fautes, les effacerait de notre regard, de notre conscience. Réfléchir à ses fautes passées et présentes, les regretter, les dire et tenter de réparer le réparable, c'est la tache de l'homme.

 

L’expiation par contre, c’est D.ieu qui l’offre. Si j’ai fait ce qu’il fallait, la faute ne sera plus un obstacle sur ma route. Yom Kipour me permet de remettre les compteurs à zéro.

 

La tradition juive emploie l’image du maître du monde tenant un registre dans lequel il inscrit ceux qui apparaîtront dans le livre de la vie, le sefer hah’ayim en fonction de l’authenticité du repentir effectué pendant cette période.

 

« Alors ceux qui craignent l’Eternel se parlèrent l’un à l’autre; L’Eternel fut attentif, et il écouta; Et UN LIVRE DE SOUVENIR de souvenir fut écrit devant Lui POUR CEUX QUI CRAIGNENT L’ÉTERNEL ET QUI HONORENT SON NOM. » Malachie 3:16

 

« Puis je vis un grand trône blanc, et celui qui était assis dessus. La terre et le ciel s'enfuirent devant sa face, et il ne fut plus trouvé de place pour eux.  Et je vis les morts, les grands et les petits, qui se tenaient devant le trône. Des livres furent ouverts. Et un autre livre fut ouvert, celui qui est le livre de vie. Et les morts furent jugés selon leurs oeuvres, d'après ce qui était écrit dans ces livres. » Apocalypse 20 :11-12

 

« Et toi aussi, fidèle collègue, oui, je te prie de les aider, elles qui ont combattu pour l’Evangile avec moi, et avec Clément et mes autres compagnons d’oeuvre, dont les noms sont dans le livre de vie. » Php 4:3 

 

C’est donc ce jour-là que notre sort est littéralement scellé.

 

Comme souvent dans la tradition juive c’est l’homme qui prend son destin en main en négociant sa destinée avec D.ieu.

 

Il n’y a pas de pardon par substitution. C’est l’auteur de la faute qui en est responsable et c’est sa démarche de réparation qui peut à Yom Kipour faire l’objet d’expiation, de la part de D.ieu.

Cette négociation s’effectue en premier lieu par un élément central du judaïsme, la prière.

Yom Kipour est probablement le seul jour de l’année où un juif passe la majeure partie de sa journée dans la synagogue.

 

La Torah : les règles de base

La révélation est le fondement de notre emounah.

 

C’est la Torah : « l’Arbre de Vie pour ceux qui s’attachent à elle. » La Parole de D.ieu, la Révélation, est appelée Torah. Car Torah signifie instruction : elle instruit et révèle ce qui était caché et inconnu. Elle enseigne à l’homme à marcher dans le droit chemin. Elle le conseille sur comment revenir vers son Maître et son D.ieu. Comme il est dit :

« Elle n’est ni dissimulée devant toi, ni placée trop loin. Elle n’est pas dans le ciel pour que tu dises : « Qui montera pour nous au ciel ? » Elle n’est pas non plus au-delà des mers pour que tu dises : « Qui traversera pour nous l’océan ? » Elle est toute proche de toi, dans ta bouche et dans ton cœur, pour que tu puisses l’observer ! » Deutéronome 30, 11-14

 

La Torah précède et transcende le monde. Elle est le socle de la révélation et le fondement de notre emounah. Nous sommes liés avec la Torah dans une relation de réciprocité. La Torah étant le plan de l’univers, l’univers reflète toutes les composantes de la Torah. Le corps humain et l’âme humaine reflètent les 613 préceptes : 248 organes correspondant aux 248 commandements ; 365 veines correspondant aux 365 interdictions.

 

L’accomplissement des préceptes positifs anime les organes correspondants, les attaches à notre D.ieu Le respect des interdictions protège les veines et les vaisseaux correspondants des influences étrangères à leur nature et à leur raison d’être.

 

La nature du péché

Qu’est-ce qui constitue le péché ?

 

Au niveau simple, pécher signifie enfreindre la loi, transgresser la Torah par des actes ou des omissions. Ce qui constitue la désobéissance à l’Eternel.

 

À un niveau plus profond, la signification du péché est apparente dans sa terminologie hébraïque. Le terme général pour le désigner est avéra, qui découle de la racine avar qui signifie passer ou franchir, traverser au-delà,  Avéra désigne une transgression, un franchissement des limites et des frontières de la droiture vers « l’autre côté ».

 

Des termes plus spécifiques sont ‘hetavone et pécha

 

  1. ‘Hetdécoule d’une racine qui évoque le manque, la perte. 
  2. Avonevient d’une racine qui signifie tordre, plier, pervertir. 
  3. Péchavient d’une racine signifiant se rebeller.

 

Techniquement, sur un plan légal, ‘het désigne les péchés involontaires, avone désigne des fautes conscientes et pécha, des actes motivés par une rébellion malveillante.

 

Pécher, est ce qui nous éloigne de D.ieu et de la vérité. Esaïe le prophète le dit haut et fort : « Mais ce sont vos iniquités qui ont fait séparation entre vous et votre D.ieu; et vos péchés ont fait qu'il a caché sa face de vous, afin qu'il ne vous entende point.»

 Isaïe 59, 2 Martin Bible

Cette séparation, Sa face cachée a comme conséquence de nous couper de tout ce qui nous lie à la source, c’est à dire : D.ieu, la Torah et Ses bénédictions. Ce qui signifie que notre vie et relation est coupé.

 

La négligence de ses commandements nous prive de Son amour, de Sa force et de toute énergie spirituelle émanant d’En Haut.

 

C’est ce que la Torah appelle : Devenir un être déficients : ‘hataïm, c’est devenir perdants, c’est souiller son corps, blesser l’âme, faire que le mal s’y attache.

 

Le péché offre des gains temporaires à l’homme, mais il est totalement irrationnel, voué à l’échec. Attrayant et doux au début, mais amer à la fin. La question qui se pose à nous et nous interpelle est : comment est-il possible qu’une personne pèche ? »

 

Le péché est un acte d’ignorance ou de sottise. Il peut toujours être attribué à un manque de connaissances, à la négligence ou à l’insouciance. Mais Lorsqu’il est prémédité, voulu et plus encore il devient un acte de rébellion volontaire. Dans tous les cas, il est ce qui enracine dans le Mal, dans ce qui détruit l’âme et fait que l’homme n’a plus conscience du mal ce qui signifie qu’il est dans l’incapacité de penser, il est inconscient insouciant, il manque de perspicacité et  demeure dans l’incapacité à penser. La préméditation ôte toutes notions d’innocences et d’excuses. Il y a bel et bien conscience du mal.  Il est la conséquence d’une obsession aveuglante de l’ici et maintenant, de l’égocentrisme et de la suffisance.

 

Le principe de la Téchouva

La folie du péché découle de la nature physique de l’homme.

 

Qu’est-ce que l’homme ? Un être composite, mélange du corps et de l’âme.

L’âme est spirituelle. Par sa nature même, elle recherche la spiritualité et s’y engage autant qu’elle peut.

 

Le corps est matériel et donc soumis à la séduction de ses propres constituants matériels.

Pourtant, ces deux éléments sont combinés. L’âme est extraite de sa « hauteur céleste » pour être investie dans le corps ici-bas.

 

Cette « descente » a pour but une « montée » qui est d’élever et de sublimer la réalité physique du corps et de la matière à laquelle elle est liée tout au long de sa vie. Il existe une tension entre le corps et l’âme, entre la matière (et la force de vie naturelle ou bestiale qui l’anime et lui donne vie) et la néchama, l’âme et l’esprit sublimes de l’homme. Mais ils ne sont pas inconciliables.

 

Le corps n’est en soi ni mauvais ni impur. Il est potentialité, à la fois saint et profane en puissance. Ce sont les actions de l’homme, les actes et le comportement du composite corps-âme, qui déterminent sa chute dans les abîmes de l’impureté ou son ascension pour être absorbé dans la sainteté.

 

Réussir à élever et à sublimer le corps et sa part dans ce monde constitue aussi une élévation pour l’âme. C’est précisément l’exposition à la tentation, les risques inhérents à la vie terrestre, la possibilité d’alternatives et le libre arbitre de l’homme qui rendent les accomplissements possibles et permettent à l’homme de se réaliser pleinement.

 

« Le corps de l’homme est une mèche et la lumière (l’âme) est allumée au-dessus... La lumière sur la tête d’un homme a besoin d’huile, ce sont les bonnes actions. » (Zohar III, 187a)

 

La mèche en elle-même est inutile si elle n’est pas allumée. La flamme ne peut pas brûler dans le vide, elle ne peut pas produire de lumière ni s’accrocher à la mèche sans huile. La Torah et les mitsvot, les bonnes actions, unissent la mèche et la flamme, le corps et l’âme, leur permettant de réaliser leur potentialité intrinsèque pour produire une entité pleine de sens.

 

La néchama, l’âme, qui est une étincelle de divinité en nous, nous remplit d’un potentiel pratiquement illimité. L’homme reçoit le pouvoir de faire de lui-même ce qu’il souhaite et de déterminer son propre destin.

 

La tentation liée à la vie corporelle, cependant, n’est pas moins réelle. « Le péché est tapi à la porte » (Genèse 4, 7). La Torah confronte ce fait : « Il n’est pas d’homme à ce point vertueux sur la terre qu’il fasse le bien sans jamais pécher. » (Ecclésiaste 7, 20)

 

Si le péché était définitif, l’histoire humaine aurait commencé et se serait achevée avec Adam. L’intention initiale était de créer le monde sur la base exclusive de la stricte justice. Comme D.ieu vit qu’un tel monde ne pourrait perdurer, Il fit que l’attribut de miséricorde précède l’attribut de justice et les réunit.

 

« Quand HaShem créa le monde, Il consulta la Torah au sujet de la création de l’homme. Celle-ci lui dit : “L’homme que Tu veux créer péchera devant Toi et provoquera Ta colère. Si Tu le traites en fonction de ses actes, ni le monde ni l’homme ne pourront exister devant Toi ! D.ieu répondit alors à la Torah : “Est-ce pour rien que Je suis appelé le D.ieu Compatissant et Miséricordieux? »

 

Ainsi, avant de créer le monde, l’Eternel, créa la Techouva (le repentir) auquel Il dit : « Je suis sur le point de créer l’homme dans le monde, mais à la condition que lorsqu’ils se tourneront vers toi à cause de leurs péchés, tu sois prêts à effacer leurs péchés et le Mal et à faire expiation pour eux ! »

 

La Techouva est là présente dans l’âme et le cœur de l’homme, toujours accessible et possible quand l’homme veut revenir à D.ieu après avoir péché, cette Téchouva possède une force, une énergie spirituelle capable de changer toute la nature de l’homme mais aussi par l’expiation des fautes, du péché et du Mal, transforme le futur. Il en fait un homme nouveau, lavé purifié et sanctifié. Tous les jugements sont supprimés et l’homme est purifié de ses péchés.

 

Comment est-il purifié de ses péchés ?

En s’élevant avec cette Téchouva de manière appropriée.

 

Rabbi Isaac dit : lorsqu’il revient devant le Roi Suprême et prie du fond de son cœur, comme il est écrit : « Des profondeurs je T’appelle, ô D.ieu ! »

 

Il y a dans la littérature rabbinique, cette petite histoire :

 

« Rabbi, je suis un pécheur. Je voudrais revenir vers D.ieu, faire Techouva ! »

Rabbi Israël de Rouzhin regarda l’homme qui se tenait devant lui. Il ne comprenait pas ce qu’il voulait.

« Dans ce cas, dit-il, pourquoi ne fais-tu pas Techouva ? »

 

« Rabbi, je ne sais pas comment faire ! »

  1. Israël répliqua : « Et comment as-tu su comment pécher ? »

 

Le pécheur plein de remords répondit simplement. « J’ai agi, et puis j’ai réalisé que j’avais péché. »

 

« Eh bien, dit le Rabbi, il en va de même pour la Techouva : repens-toi et le reste viendra de lui-même ! »

 

La Torah qui constitue les règles et les règlements pour la vie a précédé le monde et a été son plan directeur. Ces règles doivent être strictement respectées. « Sans la Torah, le ciel et la terre ne pourraient subsister, comme il est dit : “Si ce n’était pour Mon alliance par jour et par nuit, Je n’aurais pas établi les lois des cieux et de la terre.” Jérémie 33,25 » (Talmud Pessa’him 68b ; Nedarim 32a)

 

Le péché est contraire au but de la création, car il dépouille la création de tout sens. Il devrait entraîner que le monde retourne au néant. D’où la nécessité de l’attribut de miséricorde et de compassion.

 

La miséricorde, c’est reconnaître la légitimité de la justice, mais manifester de la compassion en pardonnant malgré tout. C’est reconnaître les exigences légitimes de la loi, mais aussi tempérer ces demandes en tenant compte du fait que « le penchant du cœur de l’homme est mauvais depuis sa jeunesse. » Genèse 8,21. C’est en fait, lui donner une seconde chance.

 

Tel est le principe de la Téchouva.

 

Yom Hakipourim : Le jour des pardons ou des expiations

 

Que signifie pardonner?

Pardonner, c'est « rétablir la relation entre deux êtres, rompue à cause d'une offense ». 

 

Dans les Écritures, c'est D.ieu l'offensé qui cherche à renouer avec ses créatures qui se sont perdues en s'éloignant de lui, en désobéissant à ses commandements. Il attend des hommes une Teshouva et une transformation du cœur qui doit se traduire par un changement d'attitude.

 

Une autre comparaison revient à plusieurs reprises dans les Évangiles pour parler du pardon: celle de la rémission d'une dette. Pardonner, c'est abandonner librement un dû comme le fait un créancier qui remet une lourde dette à celui qui lui doit de l'argent. « ­Remets-nous nos dettes comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs », lit-on dans Matthieu 6, 12 « Avinou Shebashamaïm » « Notre Père ».

 

Ceux qui font vraiment l'expérience du pardon qui vient de D.ieu doivent à leur tour faire preuve de miséricorde à l'égard de ceux qui les ont offensés. Le pardon, qu'il soit reçu ou donné, transforme intérieurement. Il libère des liens mortifères avec le mal commis ou subi et dispose à des relations renouvelées entre offensants et offensés. Il permet à l'offensé de s’éloigner, se distancer de ses rancœurs, de ses désirs de vengeance et de s'apaiser lui-même.

 

Pourquoi soixante-dix fois sept fois?

” Yeshoua lui répondit: “Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à soixante-dix fois sept fois » Matthieu 18, 21

 

Le pardon connaît-il une limite? C'est en substance la question de Pierre. Celui-ci vient de poser les bases d'une procédure communautaire qui permet de formuler des griefs ou la reconnaissance d'une faute.

 

Dans la symbolique biblique, sept est le chiffre de la perfection. « Jusqu'à sept fois » équivaut à dire: « Toujours et parfaitement. » Pourtant, ce calcul ne satisfait pas Rabbi Yeshoua qui va encore plus loin en disant : « Je ne dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à soixante-dix fois sept fois. » Une façon de dire que le pardon échappe à toute comptabilité: le pardon qui vient du fond du cœur est infini, sans mesure.

 

D.ieu pardonne-t-il tout?

La chose que D.ieu ne peut pardonner, c'est le manque de foi dans le pardon!

 

le pardon n'est jamais facile. Il se peut même que, dans certaines circonstances particulières, une personne blessé grave dans sa mémoire l’offense et la douleur  et de ce  fait ne peut pas pardonner celui qui l'a gravement offensé, même s'il en a le désir. Ce qui signifie, que la personne n’arrive pas à se construire dans le pardon et devient amer.

 

Dans bien des cas, le pardon ne peut advenir sans un long travail intérieur.

Un travail, précise Xavier Thévenot, qui précède l'instant du pardon, mais qui doit ensuite se poursuivre et « se déployer dans la durée, se reconquérir inlassablement contre les inévitables tentations de laisser renaître et s'installer des réactions de rancune voire de haine ». 

En effet, si le pardon « possède toute la puissance libératrice du geste d'amour qu'il est », il en partage aussi « toute la fragilité ». À vue humaine, le pardon semble bien souvent impossible.

 

Le pardon pratiqué par l'homme n'est possible qu'à cause du pardon de D.ieu. Le pardon que D.ieu accorde se trouve dans l'expression « Père, pardonne-leur: ils ne savent pas ce qu'ils font » Luc 23 : 34 – elle est la force, la puissance qui transforme les hommes intérieurement et les rend capables de pardonner à leur tour, sur l'exemple de Yeshoua notre Messie.

 

Il attend que le pardon accordé provoque un changement de vie chez ses interlocuteurs.

 

Rabbi Emmanuel Rodriguez